samedi 12 mai 2012

Présentation générale


Ce blog, créé dans le cadre de la formation au C2i2e, a pour objectif de proposer un support de cours exploitable par des enseignants du secondaire. Au sein des thèmes "mythes et héros" et la notion d'espace, en lien avec le programme du cycle terminal intitulé "Gestes fondateurs et mondes en mouvement" (BO spécial n°9 du 30/09/2010), nous proposons une étude comparative de deux films étrangers, emblématiques du genre du road movie, Easy Rider pour la culture anglosaxonne et Diarios de motocicleta pour la culture espagnole.
Au delà de contributions personnelles sur le sujet, ce blog propose une base de liens documentaires et multimédia, qui pourront alimenter et compléter la réflexion.

Répertoire de liens



Nous avons établi un répertoire de lien en relation directe avec notre sujet.
Ces liens commentés vous amèneront sur des sites pédagogiques, des sites généralistes, des extraits de films, des études diverses.


Voici le lien vers notre répertoire: http://delicious.com/stacks/view/KauPJS

Objectifs pédagogiques



Objectifs pédagogiques :
* Le thème mythes et héros permet d'étudier les figures du héros et de l'anti-héros.
* Transversal et interdisciplinarité des 2 thèmes : comparer le genre du road movie en Amérique du sud et du nord, dans l'aire hispanophone et l'aire anglophone.
* Motivation par variation des supports : le support cinémaographique permet de motiver les élèves et de mener un cours ludique qui change d'un cours traditionnel.


Selon le B.O. spécial nº9 du 30 septembre 2010. (http://www.education.gouv.fr/cid53320/mene1019796a.html)

Compétences langagières :
Réception :
- de comprendre l'essentiel de messages oraux élaborés (débats, exposés, émissions radiophoniques ou télévisées, films de fiction ou documentaires) et de textes longs, sur une gamme étendue de sujets ;
- - d'effectuer un travail interprétatif qui, au-delà de l'explicite, vise une compréhension de l'implicite ;
-de présenter, reformuler, expliquer ou commenter, de façon construite, avec finesse et précision, par écrit ou par oral, des documents écrits ou oraux comportant une information ou un ensemble d'informations, des opinions et points de vue

Points civilisationnels



Mythes et héros
Le mythe évoque la condition humaine dans son ensemble, son histoire transmise d'abord oralement et souvent incarnée par un héros, un lieu ou une communauté. Interroger les mythes, c'est s'intéresser aux héros et aux récits qui fondent une identité collective. Le caractère universel du mythe permet de mettre en évidence la façon particulière dont chaque aire culturelle interprète l'expérience humaine et construit des œuvres pour l'exprimer. Chaque époque emprunte et réactualise certains mythes ou en crée de nouveaux.Le héros peut être un personnage fictif ou réel qui a marqué la tradition, l'histoire, la vie quotidienne. La culture populaire et la contre-culture ne cessent de produire leurs propres héros (folklore, bandes dessinées, etc.).


Espaces et échanges


Une société peut être abordée du double point de vue de sa cohésion et de son ouverture, ce qui amène à s'interroger sur son inscription dans le monde. La géographie des circuits commerciaux et des réseaux d'influence, mais aussi les découvertes et la conquête de terres nouvelles constituent des aires culturelles qui dépassent souvent les frontières des États.La frontière comme limite entre deux espaces sera vue tantôt comme protection contre l'autre ou au contraire ouverture et appel vers un espace plus grand. L'espace peut évoluer et prendre des contours variés : réappropriation des espaces symboliques, perte des repères dans les villes mondes, invention de nouveaux modèles d'échanges, constitution de grands ensembles régionaux, espaces réels, espaces virtuels.On constate aujourd'hui qu'en dépit d'une grande inégalité au niveau des développements, le monde n'a jamais été aussi intégré, tant les liens de toute nature entre peuples et pays sont devenus étroits. Les échanges de toutes sortes, les « emprunts » de langue à langue, de culture à culture en littérature, dans les arts, les sciences, les techniques, la philosophie, la religion, les institutions politiques et sociales et plus généralement dans les usages quotidiens, ont pris une nouvelle ampleur dans l'unification des espaces et des peuples, des langues et visions du monde. Chaque société est ainsi travaillée par des conflits entre particulier et universel, que recoupent souvent des oppositions entre tradition et modernité.


Contre culture
Le terme contre-culture est utilisé pour décrire les normes, valeurs et comportement d'un groupe culturel qui s'établit contre l'ordre social prédominant. On peut dire que c'est l'équivalent en termes culturels de l'opposition politique.
 Aux Etats-Unis, dans les années 60, on retrouve plusieurs modèles contre-culturels en rapport avec la lutte des Noirs contre la ségrégation, les étudiants qui militent pour une liberté de parole dans leurs universités ou encore certains jeunes qui quittent le domicile familial en rejetant les valeurs de la famille nucléaire pour l'idée d'un amour libre et décident par exemple de suivre un modèle de vie communautaire. On qualifie aussi ces jeunes les "hippies".

Diarios de motocicleta, synopsis


Présentation du film Diarios de motocicleta (Carnets de voyage) réalisé par Walter Salles en 2004. Ce support cinématographique permettra, dans le cadre du nouveau programme du cycle terminal intitulé "Gestes fondateurs et mondes en mouvement" (BO spécial n°9 du 30/09/2010), d'étudier la figure de héros à travers le personnage historique de Ernesto "Che" Guevara.
Synopsis:
En 1952, deux jeunes Argentins, Alberto Granado et Ernesto Guevara, partent à la découverte de l'Amérique latine. Ils débutent un long périple sur une vieille moto  baptisée "La Vigoureuse"("la Poderosa"), qui leur fera traverser l'Argentine, le Chili, le Pérou, la Colombie et atteindre Caracas en 9 mois. La confrontation avec la réalité sociale et politique des différents pays visités altère la perception que les deux amis ont du continent. Cette expérience initiatique éveillera de nouvelles vocations associées à un désir de justice sociale, à l'origine du combat du Che.

Easy Rider, synopsis






Easy Rider raconte l’histoire de deux bikers, Wyatt et Billy, qui se retrouvent riches après un trafic de drogue et décident de partir de Los Angeles pour aller au festival de Mardi Gras à la Nouvelle Orléans. En découle une exploration ou une redécouverte de l’espace américain. La distribution fit d’ailleurs la promotion du film derrière cette simple phrase, ‘Looking for America’. Mais ce voyage constitue également une quête identitaire, spirituelle et culturelle pour les deux protagonistes. Le couple, élément archétypique du road movie (Bonnie et Clyde) ou de la littérature de la route (Sal et Dean dans On the Road de Kerouac), se décline ici entre un observateur, détaché et visionnaire et son acolyte plus terre à terre et impatient. Wyatt est surnommé ‘Captain America’ ce qui souligne la dimension patriotique du voyage mais aussi évoque ironiquement l’idée de ‘Manifest Destiny’ ou du rêve américain, des mythes largement rejetés par les protagonistes durant le film.  

Easy Rider, une définition canonique du genre du Road Movie



Etude de séquence : générique



La séquence d’ouverture du film nous présente les deux protagonistes: l’un portant le drapeau américain, sur sa veste, sur son casque et sur sa moto, tandis que l’autre porte des habits d’inspiration indienne. Peter Fonda jette sa montre, donc symboliquement il se détache de l’ordre établi, de la société dans laquelle on a besoin de savoir l’heure qu’il est ; il rejette par la même occasion le matérialisme caractéristique de la société américaine. L’espace naturel américain devient espace d’évasion où la corruption par la société est impossible. Ils partent sur deux Harley Davidson, symbole de l’industrie américaine. On les voit sur leurs motos, les cheveux au vent, exprimant déjà le désir de liberté qui est l’idée qui sous-tend tout le film.

La plupart du temps la camera accompagne les deux motos, de profil, avec un travelling qui fait défiler le paysage derrière eux. Le spectateur est bien sur la route avec les protagonistes. Une telle cinématographie se charge donc de faire sentir au spectateur le ‘frisson’ de la route. Ce frisson est aussi bien sûr souligné par la musique, ‘Born to be wild’ de Steppenwolf, avec des paroles comme « Head out for the highway/ Looking for adventure’.  

Héros et antihéros


Un héros est un personnage réel ou fictif de l'Histoire dont on vante les hauts faits et qui sert de modèle pour les hommes. Il se distingue par ses actions qui sont considérées comme un idéal à atteindre.
L’antihéros est le personnage central d’une oeuvre de fiction qui ne présente pas, voire dans certains cas, aucune des caractéristiques du héros conventionnel.
L'un des personnages d'Easy Rider peut correspondre à cette définition étant donné qu'il porte le nom d'un symbole de l'Amérique: "Captain America" mais qu'il détourne complètement ce mythe. Son casque et sa combinaison de moto sont recouverts du drapeau américain mais son attitude n'est pas celle d'un patriote. Au contraire, le personnage se fait plutôt emblème de la Contre-Culture, soit en réaction contre la culture mainstream. Par exemple, on remarquera que leur virée ne s'effectue pas vers l'Ouest mais vers l'Est.

Le Road Movie, définition



Le road movie est le récit filmé d'un voyage. Le principe du voyage est emprunté à la littérature, depuis Homère jusqu'à Kerouac mais s'est imposé au cinéma au cours du 20e siècle. Ce type de récit de voyage comporte des éléments caractéristiques de composition.
_Le héros est souvent quelqu’un qui n’est pas à sa place dans son environnement, qui veut découvrir le monde, ou bien souvent qui doit fuir, et qui traverse l’espace en voiture ou en moto.
_Le voyage est souvent l’occasion de se former, de chercher son identité sur la route, au fur et à mesure des rencontres. C’est une expérience formatrice, un récit initiatique.
_Les films traitent souvent de la liberté qu’offre la route, bien qu’il soit souvent souligné que cette liberté est illusoire.
_Les héros des road movies sont souvent des marginaux, ou des hors-la-loi, comme Bonnie and Clyde.
_Le film est découpé en épisodes : les héros s’arrêtent à un endroit, rencontrent les habitants, doivent souvent faire face à un défi, puis reprennent la route.
_La question de savoir ce qu’il y a au bout du voyage. Bien souvent le voyage est plus important que la destination.

Le road movie est un genre particulièrement américain, pour plusieurs raisons. D’abord en raison de l’immensité du territoire américain et de la fascination qu’ont les Américains pour la route, pour ces autoroutes immenses à travers des paysages déserts. C’est également un genre cinématographique qui permet de réinvestir le thème de la frontière, et de la fascination pour l’exploration de ce territoire.

Ce genre cinématographique prend aussi son essor dans les années 60, ce qui coïncide avec l’essor prodigieux de l’industrie automobile américaine. Si des marginaux sont souvent les héros de ces films, c’est aussi parce qu’ils reflètent une remise en cause de la culture établie, et une critique de la civilisation.Mais la représentation de l’espace américain elle-même offre un commentaire précieux sur l’évolution de la société et de la culture américaine.

Espace du road movie: itinéraires des héros



Le premier voyage du Che dans son parcours révolutionnaire : l’éveil à la lutte contre les inégalités sociales.





Ernesto Guevara (1928, Rosario de Santa Fe, Argentine – 1967 La Higuera, Bolivie), est né dans une famille aisée argentine proches des idées des courants de gauche. Il est étudiant en médecine quand un ami d’enfance, Alberto Granado, lui propose de prendre une année sabbatique pour effectuer un voyage à travers l’Amérique latine. C’est justement ce que va raconter le film Diarios de motocicleta qui se fonde sur le journal de bord qu’a tenu le futur « Che » Guevara. Les lieux qu’ils traversent et les conditions bien souvent misérables font prendre conscience au jeune homme des inégalités et de l’exploitation des populations que connaît l’Amérique latine d’alors. Les mines de cuivre à ciel ouvert de Chuquicamata au Chili, en sont un exemple patent. Au fil du voyage, cette conscience va s’exacerber jusqu’à aboutir à la conclusion que la révolution armée sera la solution pour faire émerger un nouvel ordre social, dépassant les frontières étatiques, dans une conception bolivarienne du continent sud-américain.
Ce film permet donc d’appréhender les années de formation de cette figure révolutionnaire américaine, considérant ce voyage comme une matrice du futur héros. Ce voyage constitue le premier pas dans un parcours d’éveil révolutionnaire communiste, une première étape dans la prise de position d’un jeune homme de la petite bourgeoisie argentine qui luttera pour chercher à établir une égalité sociale par la libération des populations exploitées au nom d’un idéal de solidarité et de fraternité anti-capitaliste.

Easy Rider, réinvention de l’espace américain



La route comme refuge pour des hommes sans attaches

Le film commence déjà dans l’ailleurs, au Mexique. On ignore tout du lieu d’origine des deux protagonistes, a priori de l’Ouest des Etats-Unis (Los Angeles est mentionné), mais cela a peu d’importance, car ils sont des habitants de la route, espace qui a ses propres lois et codes de conduite. Le film traduit bien une opposition entre l’espace anonyme et étouffant de la ville et la liberté qu’offre la route. A un moment Billy demande à un homme qu’ils ont pris en autostop d’où il vient, il répond : ‘I'm from the city... Doesn't matter what city; all cities are alike.’ (Je viens de la ville…Peu importe quelle ville, toutes les villes se ressemblent)
 Le dialogue avec l’autostoppeur révèle cette volonté affirmée des nomades de la route d’effacer toute idée d’origine ou d’attache à un lieu géographique dans lequel ils se sentent prisonniers.

Exploration de différents modèles économiques. Retour à la terre

Dans Easy Rider, le modèle familial traditionnel est rejeté, et les personnages rencontrent plusieurs modèles sociaux et économiques : ainsi un fermier et sa famille élargie, qui vivent de manière autonome, modèle que semble admirer Captain America.
Extrait du dialogue : « No, I mean it, you've got a nice place. It's not every man that can live off the land, you know. You do your own thing in your own time. You should be proud » (Non, je vous assure, vous vivez dans un endroit charmant. Ce n’est pas donné à tout le monde de vivre de la terre. Vous travaillez seul, à votre rythme. Vous devriez être fier)
 Admiration mais aveu de son incapacité à embrasser ce modèle. Contraste anachronique entre les motards venus de Los Angeles et la simplicité du mode de vie rural.
Les héros rencontrent aussi une commune de hippies, qui pratiquent l’amour libre.
La commune est présentée de manière ambiguë : les participants semblent de bonne foi mais on les voit semer des graines sur du sable et l’on se demande si cet effort n’est pas vain.
 Dans les deux cas, les héros ne veulent pas rester plus longtemps ou adopter ces modèles. Plus généralement, les deux hommes sont sur la route parce qu’ils ont besoin de mouvement et ne peuvent rester au même endroit trop longtemps.

Easy Rider, naissance de l’antihéros



Héros et espace du Western.

A plusieurs reprises, le film fait implicitement référence au Western, avec révérence mais aussi avec une certaine ironie. On a l’impression que l’on assiste à une passation de pouvoir entre le Western et le road movie.
           On voit souvent le long de la route des chevaux, d’ailleurs à un moment on trouve à la fois une moto et un cheval dans une étable. Un homme ferre ce cheval tandis que Wyatt et Billy réparent leur moto. Le contraste est évident mais il y a une continuité entre ces deux mondes. Wyatt alias Captain America a quelque chose du héros solitaire des Westerns.
Un peu plus tard, les héros passent à travers Monument Valley, haut lieu de tournage des Westerns, avec notamment un plan au crépuscule qui illustre bien le déclin du Western et cette passation de pouvoir. Wyatt indique vers un plan hors champ, vers un avenir.


Des héros rejetés à la marge

Tout le long du film, les héros sont rejetés et méprisés par les représentants de l’ordre établi, et la société conservatrice.  Il y a partout aussi une fascination pour ces personnages et la liberté qu’ils incarnent. Ainsi lorsque les personnages entrent dans un bar, on voit un travelling sur le sheriff qui les insulte puis des filles qui semblent fascinées.
            Malgré cette soif de liberté et d’expérimentation, à la fin du film, Wyatt dit « we blew it », et n’explicite pas les raisons de cet échec. Peut-être réalise-t-il que la liberté offerte par le voyage et la route est illusoire. Les deux personnages sont tués de manière absurde par des paysans du Sud, signe final du rejet de la société pour ces marginaux.

Extrait vidéo de la fin du film:
http://www.youtube.com/watch?v=hjYAEtO-Ohk

Pour aller plus loin...



À partir de Diarios de motocicleta :
-les deux films formant une œuvre cinématographique en deux parties de Steven Soderbergh (2008) sur le parcours du Che.
-la situation de l’Amérique du Sud de façon générale
-la révolution cubaine et les mouvements de guérillas révolutionnaires

-Bonnie and Clyde, Arthur Penn (1967), autre road movie
-Badlands, de Terrence Malick (1973)
-Les Etats-Unis dans les années 60 et en particiulier la « contre-culture »
-Le mythe des grands espaces